Dans l’imaginaire politique français, la dissolution de l’Assemblée nationale a toujours eu des allures de coup de tonnerre. Prévue par l’article 12 de la Constitution de 1958, elle permet au président de mettre fin au mandat des députés et de convoquer de nouvelles élections législatives.
Un geste rare — huit fois seulement depuis la naissance de la Ve République — mais qui, chaque fois, a marqué un tournant.
Officiellement, la dissolution vise à débloquer une situation politique. Mais dans les faits, elle répond à des calculs tactiques et expose le président à un risque majeur : voir son pouvoir affaibli par les urnes. Emmanuel Macron, en dissolvant l’Assemblée en juin 2024, a voulu clarifier.
Quinze mois plus tard, le 9 septembre 2025, il se retrouve au pied du mur après la démission de François Bayrou, désavoué par un vote de confiance.
Une nouvelle dissolution ? Juridiquement possible, mais politiquement peu probable. Alors pourquoi un président choisit-il d’y recourir ?
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1. Un outil constitutionnel pensé comme un antidote aux blocages
La Ve République a été construite sur les ruines de la IVe, où 24 gouvernements se sont succédé en douze ans. La dissolution, intégrée à l’article 12, fut pensée comme une soupape.
- Le texte : le président peut dissoudre l’Assemblée après avoir consulté le Premier ministre et les présidents des deux chambres. Les nouvelles élections doivent avoir lieu entre 20 et 40 jours plus tard.
- La philosophie gaullienne : pour De Gaulle et Michel Debré, la dissolution n’est pas une sanction mais un moyen de « rendre la parole au peuple » en cas de conflit durable entre exécutif et législatif.
- Un geste de présidentialisation : en donnant au chef de l’État le pouvoir de dissoudre, la Constitution consacre sa prééminence sur le Parlement.
La dissolution n’était donc pas conçue comme un réflexe, mais comme une arme d’exception, réservée aux crises. Pourtant, l’histoire montre qu’elle a aussi servi de levier politique.
2. Huit dissolutions, entre légitimation et fiascos
Depuis 1958, l’Assemblée nationale a été dissoute huit fois. Chaque épisode reflète une motivation politique particulière et des conséquences parfois inattendues :
- 1962 (De Gaulle) : après le vote de censure contre son gouvernement et sa volonté d’instaurer l’élection du président au suffrage universel direct, il dissout. Résultat : victoire écrasante des gaullistes. La légitimité présidentielle sort renforcée.
- 1968 (De Gaulle) : au lendemain de Mai 68, il dissout pour rétablir l’ordre. Résultat : une majorité massive, l’autorité de l’État restaurée.
- 1981 (Mitterrand) : nouvellement élu, il dissout pour aligner l’Assemblée sur son projet. Résultat : une large majorité socialiste.
- 1988 (Mitterrand) : après sa réélection, il dissout à nouveau. Résultat : majorité relative seulement, début des compromis et fragilisation de l’action gouvernementale.
- 1997 (Chirac) : dissolution surprise, Chirac veut sécuriser l’avenir. Résultat : victoire de la gauche plurielle et cinq ans de cohabitation avec Jospin. Une erreur stratégique qui marquera son quinquennat.
- 2024 (Macron) : fragilisé par les retraites et la percée du RN aux européennes, Macron dissout pour clarifier. Résultat : un Parlement encore plus éclaté, sans majorité claire. Une impasse politique prolongée.
Bilan : trois dissolutions ont été des succès (1962, 1968, 1981), deux ont été des semi-échecs (1988, 2024) et une a été un fiasco retentissant (1997).
L’arme est donc à haut risque : elle peut conforter un président, mais aussi le désavouer publiquement.
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3. Septembre 2025 : dissolution possible, mais peu probable
La démission de François Bayrou, le 9 septembre 2025, après le rejet de sa demande de confiance, illustre la crise actuelle. L’Assemblée est fragmentée en trois blocs :
- le Rassemblement national, premier parti en voix mais sans alliés,
- le Nouveau Front populaire, qui regroupe la gauche,
- la majorité présidentielle, minoritaire et isolée.
Dans ce contexte, Emmanuel Macron dispose toujours de l’arme de la dissolution. Plus d’un an s’est écoulé depuis celle de 2024, le verrou constitutionnel est levé. Mais les raisons de ne pas l’utiliser sont nombreuses :
- Un risque électoral majeur : les sondages montrent que RN et gauche sortiraient renforcés d’un scrutin anticipé, marginalisant encore davantage la majorité présidentielle.
- Un geste impopulaire : une seconde dissolution en deux ans serait perçue comme un aveu d’impuissance, une fuite en avant plus qu’une solution.
- Un calendrier défavorable : à deux ans de la fin du quinquennat, Macron préférera sans doute temporiser en nommant un Premier ministre de transition, chargé de gérer l’ordinaire sans grands projets.
Ainsi, la dissolution est évoquée comme un spectre, mais demeure une hypothèse peu probable. Elle rappelle toutefois une réalité plus large : la Ve République, pensée pour assurer la stabilité, montre aujourd’hui ses limites face à un paysage politique éclaté.
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Conclusion
Pourquoi dissout-on l’Assemblée nationale ? En théorie pour résoudre une crise, en pratique pour tenter de reprendre la main. Les présidents ont souvent présenté ce geste comme un acte démocratique, mais l’histoire révèle sa nature véritable : une stratégie politique à haut risque.
Emmanuel Macron, en 2024, a tenté le pari et récolté la confusion. En 2025, il conserve l’arme, mais sait qu’un second échec serait fatal.
La démission de François Bayrou illustre cette impasse : la dissolution est possible, mais improbable.
Elle apparaît moins comme une solution que comme le symptôme d’un régime fragilisé, où les institutions ne garantissent plus la stabilité qu’elles promettaient.
Auteur : Dr Emeric Lebreton, docteur en psychologie, écrivain et PDG du groupe ORIENTACTION (09/09/2025)
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